A propos
S'il est généralement convenu qu'une œuvre d'art est un reflet personnel de son temps, s'agit-il du temps qui passe ou du temps qu'il fait?
À l’orée des années 1990, le travail d’Adrian Schiess a obtenu beaucoup de visibilité. Tant à la Biennale de Venise en 1990 qu’à documenta IX en 1992, ses grands panneaux colorés posés au sol semblaient opérer une jointure entre abstraction radicale et minimalisme. Pourtant, l’artiste n’a eu de cesse de voir dans cette reconnaissance un «grand malentendu» que seul pouvait lever un autre pan de son œuvre. Un corpus peu regardé parce que d’apparence peut-être trop modeste, mais qui constitue le contrepoint indispensable à une compréhension moins superficielle de sa démarche : les œuvres sur papier. Depuis le début de sa carrière, il y a plus de quarante ans, Adrian Schiess nourrit une pratique quotidienne du dessin. Il tente simplement de refléter son environnement sur le papier, au plus immédiat d’un geste sans virtuosité ni idée préconçue. Si ses panneaux colorés ne prenaient sens que lorsqu’on observait les reflets de la lumière se mouvoir à leur surface, l’artiste devant une feuille de papier s’astreint à devenir lui-même une plaque réfléchissante. Ce corpus immense – plusieurs dessins chaque jour pendant des décennies – et presque inconnu ouvre l’œuvre d’Adrian Schiess à des questions plus complexes et intimes : comment au tournant des 20e et 21e siècles un artiste peut-il composer avec sa subjectivité, ou la contenir sans la nier ? S’il est généralement convenu qu’une œuvre d’art est un reflet personnel de son temps, s’agit-il du temps qui passe ou du temps qu’il fait ? Le livre et l’exposition qui l’accompagne sont ainsi conçus comme un journal dessiné transgressant le temps linéaire. Car, si les jours du calendrier se suivent régulièrement, les années sautent en avant et arrière pour dessiner l’arrivée d’un printemps étalée sur près de vingt ans.
Adrian Schiess est surtout connu pour un pan de son travail développé au début des années 1990: de grands panneaux en aluminium, colorés au moyen de peinture appliquée au pistolet par des professionnels et disposés dans l’espace pour jouer avec les réflexions de la lumière ambiante. Depuis 1994, Schiess complète ces dispositifs par des photographies abstraites de grand format, en plusieurs parties et imprimées sur des plaques, qu’il intègre à ses paysages au sol. Là aussi, comme dans sa peinture, il s’intéresse aux différentes textures et surfaces. Depuis 1999, l’artiste réalise de petits tableaux, formés de différents matériaux, qu’il peint en plusieurs couches et couleurs de manière pâteuse ou qu’il imprime la peinture directement du tube sur le support. Même si ces tableaux portent des titres comme Ciel, Neige, Mimosas, Coucher du soleil ou Clair de lune, ce n’est pas la représentation qui est au premier plan, mais la matérialité de la couleur. Adrian Schiess cherche sans cesse à repousser les limites de la peinture en réfléchissant à l’idée et à la pratique du médium et en en modifiant sa définition.
David Lemaire, né en 1980 à Namur, est docteur en histoire de l’art. Spécialiste de l’œuvre d’Eugène Delacroix, il est d’abord conservateur-adjoint au MAMCO et chargé de cours à l’Université de Genève, avant de devenir conservateur et directeur du Musée des beaux-arts de La Chaux-de-Fonds en 2018. Il a notamment publié Natacha Donzé. Festins (2021, éd. art&fiction), Les hauteurs difficiles – La peinture religieuse d’Eugène Delacroix (2020, éd. Les presses du réel), Luisanna Gonzalez Quattrini. Accroupissements (2018, éd. art&fiction) et Alain Huck – La symétrie du saule (2015, éd. MAMCO).
Informations
- N° 425
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Artiste(s)
Adrian Schiess
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Édité par
David Lemaire
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Textes de
David Lemaire, Ulrich Loock
- Graphisme onlab
- Format 17,5 x 23 cm
- Pages 112
- Genre monographie
- Mots-clé artiste suisse, dessin, exposition muséale
- Collection Livres de -Fonds
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Co-édition
Musée des beaux-arts de La Chaux-de-Fonds
- ISBN 978-2-88964-088-1
- Date de parution 29 novembre 2024
- Prix CHF 28.00