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Calvaire

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A propos

C’est un instant dans une vie et un oiseau chante. Une vie parmi toutes les autres, courtes ou longues, transparentes ou secrètes. Un oiseau chante puis il se tait. Un oiseau parmi tous les autres, à peine nés ou vieux de cent ans. On écoute, le cœur serré, car l’oiseau représente ici une jeune fille. L’oiseau se tait. Est-il possible qu’on se soit endormi par négligence? qu’on ait refermé la porte de la chambre sans penser à l’enfant qui nous suit et voudrait nous confier une petite faute, ou un espoir? Mais on s’endort parce qu’on en a besoin! on ferme la porte par habitude! pas de quoi culpabiliser. Car la vie ordinaire se passe ainsi, selon les besoins et nécessités naturels, papa, maman, rires, histoires racontées au bord du soir, gronderies, chansons, école et habits neufs…les pages du temps se tournent d’elles-mêmes.
Mais à un instant précis le chant, la vie de la jeune fille s’arrête: c’est de cela que témoigne Isabelle Depoorter Lecomte; sa fille Ambre s’est donné la mort, elle avait vingt-deux ans. Témoignage, œuvre d’art comme tombée du cœur maternel qui n’en peut plus de culpabilité et de révolte, de souvenirs, de visions terrifiantes. Avec aussi ce rêve fou que font les parents en deuil, réparer, réparer son enfant avec un fil d’or… La douleur invente, vous le savez bien, là, juste au-dessus du puits abyssal des questions, où Isabelle et son mari Marc, le papa d’Ambre, retournent encore et encore.

Dans Calvaire, cette douleur se pose comme en voletant sur les dessins d’Emmanuel Wüthrich et sur le conte de l’oiseau venu se fracassé contre la vitre d’une fenêtre. Ce rouge-gorge qui chantait puis s’est tu, comme la jeune fille; tout deux fascinés par on ne sait quoi de vague, de mystérieusement dangereux, une fluidité qui s’avance à leur rencontre. C’est dans cet espace–temps que la vie devient mort, silence, absence.
Tandis que le monde tourne, que les trains, les ordinateurs, les machines à café, les radios fonctionnent, que les fumées des usines tourbillonnent et que le pain est bon et la jeunesse belle et fragile, il y a ces pages à lire, ces images à regarder.
Nous ne saurons jamais si des chants, des lumières, n’éclatent pas de joie (une joie pour nous inconcevable) à l’instant de la mort. Ou, disons, juste avant et juste après le fracas d’une vitre ou de l’eau.

Avec une préface de Rose-Marie Pagnard, Prix suisse de littérature 2014.

Cet ouvrage paraît avec le soutien du Service de la culture du Canton du Jura et de la Fondation Anne et Robert Bloch pour la promotion de la création culturelle dans le Jura.

Docteure en histoire de l’art, née en 1967 à Bruxelles, Isabelle Lecomte vit et travaille à Delémont. Elle a notamment publié Le Pop Art (Flammarion, 2001) et Des jouets qui font pouet (Lanno, 2013) ainsi que deux ouvrages pour la jeunesse aux éditions de La Renaissance du Livre. Elle dirige depuis 2014 la revue L’Hôtâ qui défend le patrimoine rural jurassien. En 2017, elle a été la commissaire de l’exposition Rémy Zaugg Voici Voilà Voyez, et rédactrice de la publication correspondante. En 2018 et 2022, elle a collaboré aux ouvrages Ferdinand Hodler. Documents inédits et Derrière la couleur, tous deux sous la direction de Niklaus Manuel Güdel.

Photographe, dessinateur, peintre, plasticien, né en 1969 à Delémont, Emmanuel Wüthrich vit et travaille à Porrentruy. Sa démarche s’organise autour de deux grands axes : une pratique contemplative, méditative et une attention militante aux drames mondiaux. En pratiquant l’art du cyanotype, Emmanuel Wüthrich capte l’air du temps et accepte de déléguer le traitement de la couleur à la lumière et aux hasards de la météo. Le papier saisit pour lui l’impalpable, l’invisible, l’impermanent, l’évanescent et le traduit en bleu de Prusse. Depuis 20 ans, il réalise un cyanotype par jour, proposant ainsi une mémoire du vide, un archivage du temps, un geste pour la beauté du geste et une petite trace de l’univers plus grand que nous. Parallèlement, le sort des naufragés lui a inspiré plusieurs grandes séries de dessins comme Mare Nostrum (2016) ou Vague (2018). En 2020, Vagues a été sélectionnée pour l’exposition XXL Le dessin en grand par le Musée Jenisch de Vevey tandis qu’Horizons et gilets orange (2019) a été présenté dans l’exposition Racines au Musée jurassien des arts à Moutier. L’ensemble de son œuvre a été couronné en 2021 par le Prix de la Fondation Joseph et Nicole Lachat.

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