Combien d’entre nous ont passé leurs après-midis couchés sur le tapis du salon, à tourner les pages de ces petits albums aux couvertures brillantes, obéissant au son de la fée clochette, et suivant d’un œil la course grésillante de l’aiguille dans le sillon en spirale d’un vinyle incassable, jusqu’au dénouement, forcément heureux, de l’histoire ?
Bien après Charles Perrault, Rodolphe Petit s’est emparé du conte classique Le Petit Poucet pour lui donner un prolongement contemporain dramatique.
Le héros du conte a vieilli. En quête d’un lieu acceptable, l’enfant devenu adulte fait l’expérience d’une douloureuse exclusion, d’un pénible isolement. Il est survenu un drame dont il est seul survivant. Ses frères ont tous péri sous les crocs de l’Ogre. Depuis, la conviction de sa culpabilité le mine. Elle n’est pas transmissible aux autres. Sur la route, il dérive. Le geste de détachement en devient presque volontaire quand la bonne compagnie est introuvable. Poucet poursuit ainsi sa vie itinérante dans des paysages hostiles, incapable de s’arracher au pouvoir d’enfermement du traumatisme.
La musique joue avec les codes du livre-disque (littéralité, bruitage, etc.), imprégnée par l’atmosphère douloureuse du texte et les images tantôt sombres, tantôt lumineuses du peintre.